A Bagnolet, des locaux vides depuis des années ont été investis par un collectif d’associations qui a pris le nom de Libertalia. Au cœur du 93 multiculturel, ce collectif prône et met en pratique tolérance, reconnaissance mutuelle et échanges.

Libertalia regroupe les associations :
- Utopia 93 : association inter-culturelle et multi-événementielle.
- Paris-Ponty : association d’échanges entre la France et le Sénégal.
- Talacatak : émancipation culturelle, peinture, musique.
- Harissa sauce blanche : activités pédagogiques et éducatives, linguistiques et autres.
- Atelier Salamatane : création et réparation de percussions
- Atelier BAMKO : « La peinture en musique »
Un studio de répétition accueille des musiciens, des artistes peintres indépendants y travaillent, un atelier de sérigraphie propose une initiation à ces techniques, des élèves viennent y fêter la fin de cours de français pour étrangers… Dans le hall, des expositions : tableaux des plasticiens du lieu et d’ailleurs, créations de l’association La Débrouille & Co, objets faits avec des déchets, jouets ou sacs à main en capsules et autres matériaux de récupération, vêtements conçus par des stylistes, tee-shirts teints et peints sur place etc.
Un matin, j’ai découvert sur la pelouse du « papier fait main », séchant au soleil, confectionné avec des factures et autres archives abandonnées par les sociétés qui ont occupés les lieux précédemment.
Le corps de bâtiment est vétuste mais propre, les ateliers ont pris place dans les anciens bureaux, à peine installés le lieu a repris vie.
Les propriétaires ont alors réagi, envoyant une pelleteuse s’attaquer aux hangars de la cour qui ont été à moitié détruits. Des vigiles avec des chiens ont été missionnés pour surveiller jour et nuits les épaves pendantes de tôles et de parpaings qui ont été depuis en partie sécurisées par le collectif.
A côté, les membres des associations, conscients de la situation persistent à faire, à agir, à travailler.

Un jour peut-être notre société, notre système, considèrera ceux qui, handicapés par le chômage, par la précarité du logement continuent d’essayer d’exister, d’agir à tout prix, pour ne pas croupir dans un coin, de ne pas devenir fous ou délinquants.
Ce type d’union associative, assoiffée de ne pas croupir dans un coin, de ne pas mal tourner, soucieuse de travailler et de ne pas rester inactives, agissent pour des dizaines et des dizaines d’autres personnes en pire précarité.
Leurs buts sont quelquefois des rêves, mais à leur dimension, avec leurs petits moyens, ils tiennent un rôle d’assistants sociaux, d’animateurs-éducateurs, de foyer de passage, de resto de précarité, de centre culturel homéopathique !
Ce collectif en quelques mois encadre tout un public.
Je suis peintre, je regarde attentivement.

« Avec rien, on peut faire tout », un bain de feuilles mijote, c’est une teinture naturelle africaine qui se prépare sur le feu, certains dessinent à la cire sur des tee-shirts. Plus loin, sur les tôles pendantes, des tee-shirt terminés sèchent.
En terme écologique, ils recyclent, ils gèrent leur déchets, mieux que l’entreprise. Le collectif pourrait même se charger du recyclage de la ferraille comme de celui du papier, cela coûterait moins cher aux propriétaires.
Un protocole d’accord avait été envisagé, mais aujourd’hui cela se décide devant les tribunaux.
Libertalia, c’est un musée à visiter, des ateliers à voir qui vous réconcilieront avec « l’art de l’homme », celui de ceux qui ne lâchent pas, malgré la faim, la précarité d’emploi, la peur d’être expulsés. Avec les mains, le cœur plus fort que la peur, des choses belles apparaissent au milieu du chantier mort.
EVELINE