jeudi, novembre 17, 2005

Et maintenant c'est le regroupement familial

Décidemment l’UMP est rapide à la détente en ce moment.

Le vieux leader du FN a à peine eu le temps de s’attaquer pour la nième fois au regroupement familial lundi dernier [1] que deux jours plus tard, Bernard Accoyer, le pdt du groupe UMP à l’Assemblée nationale déclare que les pouvoirs publics s’étaient montrés « étrangement laxistes avec la polygamie » et insistait, au micro de RTL, sur la nécessité de « poser la question du regroupement familial ».

Le ministre de l’Intérieur, pour sa part, tout auréolé de sa forte progression dans des sondages aux petits oignons, émet le même souhait dans une interview à l’Express le jeudi.

Cette scandaleuse équation polygamie = zizanie est aussi celle qu’avance Gérard Larcher, ministre délégué à l’Emploi dans un entretien au Financial Times. Selon lui, la polygamie serait « l’une des causes » de la crise des banlieues. La polygamie serait également l’une des causes du chômage (!), surenchère-t-il [2].

Enfin, last but not least, il faut dire que le Pdt de la République lui-même, dans son allocution télé sur les violences urbaines, a fait valoir qu’il fallait « être strict dans l’application des règles du regroupement familial ».

Résumons (liste non exhaustive et ordre non prioritaire modifiable à loisir) :
1. Annonce de l’expulsion express des « émeutiers » de nationalité étrangère ayant un titre de séjour ou non (on évite de parler de la complexité juridique à démêler dans la pratique — sur les cent vingt il n’y en aurait « plus que » dix d’éventuellement expulsables — mais quand faut y aller faut y aller et la justice se plie à la situation d’urgence mise en avant au gouvernement et ne s’embarrasse pas de détails) ;

2. Préparation d’une proposition de loi visant à éventuellement « déchoir de la nationalité française » les étrangers naturalisés « qui participent à la guérilla urbaine » (celle-là c’est Jean-Paul Garraud, député UMP) ;

3. Possibilité aussi de couper les allocations familiales municipales aux parents de méchants jeunes dans certaines communes (là aussi c’est un maire UMP qui est à la base — ils veulent vraiment créer des familles de délinquants, ou quoi ?) ;

4. Etat d’urgence (couvre-feu, perquisitions de jour comme de nuit, écoutes, contrôle des courriers électroniques, liberté de la presse, droit de réunion et de manifestation remis en cause) — très électoraliste aussi (on gonfle les muscles vous voyez, pas la peine d’aller chez de Villiers) ;

5. Possibilité d’entrer en apprentissage professionnel dès l’âge de quatorze ans : réponse éducative de de Villepin aux émeutes dans les banlieues. Bravo ! On entend beaucoup dire que ceux qu’on appelle les jeunes de ces banlieues n’avaient plus de rêves d’avenir, que c’est pour ça que ça a pété. Et en fait de rêves, au charbon les enfants ! Allez, faites pas chier. Au fait, il y a du taf à la clé ?

6. Service civil pour inculquer aux plus récalcitrants les bonnes vieilles valeurs perdues, sur le modèle de la « deuxième chance », expérience pilote en cours et encadrée par des militaires en retraite (notons que pour l'UMP ce service doit être volontaire, alors qu'au PS on réclame qu'il soit obligatoire) ;

7. c’est de nouveau le regroupement familial auquel on s’attaque. De nouveau car il a déjà été remis en cause par un décret (8 décembre 1978) interdisant l’admission des familles des étrangers résidant régulièrement sur le territoire. En 1980, sur recours du GISTI (groupe d’information et de soutien des immigrés), le Conseil d’Etat avait annulé ce texte, érigeant en principe constitutionnel le droit de vivre en famille, fût-ce pour les étrangers.
De toutes façons, avec l’Etat d’urgence prolongé de trois mois, c’est la France entière qui s’en prend plein la gueule (entre autre le cassage des mouvements sociaux à venir).

Alors, « La récréation est finie ! », ainsi que le clamait le général-président en juin 68 ? Pas si sûr.

(ZURDO)

[1]Voir par exemple : http://www.liberation.fr/page.php?Article=338161.
[2]http://www.liberation.fr/page.php?Article=338883

Photo : remise de trophée à Gérard Larcher, ministre délégué à l’Emploi, dans sa Mairie de Rambouillet à l'occasion d'une cérémonie de jumelage avec une commune allemande.

mercredi, novembre 16, 2005

« Vous voulez un sujet ? Parlez-moi
d'intégration. »

J'ai parfois l'impression que c'est comme la gravitation. Un fourre-tout.
La gravitation c'est ce qui fait tomber.
Comment ? A cause des gravitons. Problème réglé.
L'intégration est réalisée par des intégrateurs.
Mwais...
J'ai l'impression que ça cache les vrais problèmes.

SALADE

Les affrontements qui ont opposé tant de jeunes dans les cités à la police depuis la mort de Bouna et Zyed à Clichy-sous-bois, nous ont amené à beaucoup publier en ordre en peu dispersé, dans l'urgence qu'il y avait à s'opposer à la surenchère verbale et disciplinaire, la désinformation et la confusion qui accompagnait la propagation de cette insurrection à laquelle nous assistions de loin.

Nous n'avons pas été les seuls et maintenant que l'urgence n'est plus que celle de la police, pour trois mois renouvelables, nous reprenons ce blog quand Libération se met en grève.

Sur les Effets de Terre, 36 15 Flash nous avait précédé sur le sujet avec son fracassant « L’Affrakassa social ou ma mère est un fils de pute ». La dissertation de Salade sur l'intégration nous a amené à remettre à jour une vieille analyse du programme officiel de représentation de la diversité culturelle à la télé française. Ces recommandations ministérielles et commissariales sont présentées dans un document public édité et distribué par le FASILD qui reste malheureusement trop confidentiel. Lecture éclairante pour mieux comprendre les conséquences du refus du gouvernement et d'une large part de la population française de remettre en cause la ségrégation de fait que subissent les habitants des cités et des quartiers les plus pauvres, malgré les difficultés et le mécontentement croissants et les violences générées.

Un correspondant du Sénégal nous demande pour sa part, « si l'accent est mis sur le dialogue interculturel, dans l'implication des associations dans la gestion de la crise ? » Que dire ? Il y a du travail mais cette crise aura des suites de toute façon.

Les associations ? Les socialistes redécouvrent leurs vertus à l'occasion de leur synthèse — avec celles du service obligatoire pour en six mois dépister et guérir l'illétrisme, soigner le chômage, préserver de la délinquance puis quoi encore ? peut-être nous garder de la grippe aviaire, va-t-on savoir. De son côté le gouvernement annonce qu'il va à nouveau verser les subventions «  politique de la ville  » supprimées en 2003 et réclamées depuis par les maires. Les municipalités sauront-elles mieux partager et se montrer attentives aux projets engagés ou renouvelleront-elles les mêmes erreurs dénoncées dans le rapport de la cours des comptes de la fin 2002 qui avait été prétexte à la suppression de ces fonds ? On verra.

mercredi, novembre 02, 2005

Vous avez dit risque sanitaire ?


ZURDO

Pendant que le gouvernement, relayé par les medias, nous parle risques sanitaires, stocks de vaccins, consignes en cas de pandémie et qu'on multiplie les groupes de travail, commissions spéciales et autres réunions de crises, au niveau national et européen, l'accès aux soins, en France, devient au quotidien plus difficile pour beaucoup.

Depuis le 29 juillet de cette année, deux décrets durcissent en effet l'accès à l'aide médicale d'Etat (AME), ce dispositif prévu depuis 2000 pour les étrangers qui n'ont pas de titre de séjour et sont donc exclus de la CMU. Bénéficier de l'AME est maintenant devenu un véritable parcours du combattant administratif puisqu'il faut présenter un paquet de documents (identité, adresse, ressources, justification de 3 mois de présence sur le territoire, etc.) qu'il est justement très difficile à avoir pour un sans-papiers, sans parler de la peur d'être fiché vu l'ambiance et le ballet des charters qui se poursuit.

Rappelons que le ministère de l'Intérieur estime qu'il y a entre 200 000 et 400 000 sans-papiers sur le territoire.

Bien entendu, quand il devient compliqué de se faire soigner, on attend le dernier moment, il faut vraiment qu'on aille très mal et en attendant les pathologies se développent et les risques, pour soi et pour les autres, augmentent (sans parler de H5N1, la tuberculose c'est contagieux, mais ça se soigne). En passant, même si l'AME représente pour l'heure moins de 1% des dépenses de santé, ce durcissement va aussi augmenter les coûts car soigner en urgence c'est plus cher. La sécu, elle aussi, s'en portera donc d'autant moins bien. Et Médecins du monde, qui ne flique pas ses patients, sera encore plus débordé, merci pour eux.

Ce qui est sûr, en tous cas, et ça fait au moins une bonne nouvelle pour ceux qui sont aux manettes, c'est que pendant que tout le monde parle grippe aviaire on ne parle pas, ou moins, d'autres sujets qui fâchent (chômage, logement...).

    Premières parutions sur Effet de Terre, Virus volant, le 20/10/05 et Forums Télérama - politique gouvernementale - le 20/10/05.

    Sources (entre autres):
    http://www.liberation.fr/page.php?Article=314475 http://www.liberation.fr/page.php?Article=329244


    Pour en savoir plus sur l'AME:
    Act Up Paris
    Médecins du Monde