mardi, avril 12, 2005

Rappel modéré aux camarades bourgeois sans a priori

Un appel anonyme donc. Tiens, tiens... Destiné à qui ? Là aussi, le doute plane. Pourquoi moi d’abord, moi qui me suis déjà infligé le Tiqqun et qui n’en redemandait pas tant ! Et j’apprends que je ne suis pas tout seul dans ce cas. Comme on se retrouve ! Le cercle pour petit qu’il soit mérite d’être mis en avant (un peu de pub au passage). On peut mépriser le quantitatif (on a appris à se méfier de la masse), mais aspirer à la gloire, prôner le communisme ici et maintenant et ne pas négliger son porte-monnaie, mépriser l’époque et en connaître les ruses, les dénoncer et les pratiquer.

Alors ? A quoi reconnaît-on un révolutionnaire ? Ton identité est-elle si importante ? La revue invite au débat avec une bonne volonté désarmante. L’effeuillage commence ? Coquette ! Qui es-tu, beLE inconnuE ? Car tu existe, auteurE, quoi qu’il en coûte à notre conscience communisatrice. Il en faut bien un dans ce triste monde qui ne nous appartient pas puisqu’ils ont tout, ces salauds, eux, ceux qui nous contrôlent, enferment nos camarades, etc.

Le bon sens, toute Tiqqunerie mise à part, l’exige, la corporalité ne peut être niée. Et sans me moquer, la question se pose. Le Tiqqun malgré son allure de compilation de scholiastes en mal d’avenir comme de présent n’est pas ce qu’on a lu de pire dans la littérature militante de ces dernières années. Un peu de luxe, dense et élégant, dans le grand jeu de l’étouffement. Je garde un souvenir particulier des thèses sur la communauté terrible, émouvant témoignage adolescent, des formules brillantes, des intuitions théoriques aussi, surnageant d’un fatras qui ne cachait pas le sérieux de l’intention.

Tes thèses et tes arguments dans l’Appel ? Ce n’est ni la timidité, ni une irrépressible paresse qui me retiens de t’en demander compte. Je me suis imposé de plus lourdes tâches. Je répéterai seulement ma question : pour qui tu prêches ? Pas pour moi en tout cas : je ne te suivrais pas sur la crête. Merci bien.

Qui est ce nous dont tu uses avec tant de complaisance et de variété ? Nul besoin d’avoir un nez de sanglier pour soupçonner la part de supercherie d’une posture philosophique bien commode, si moeleuse qu’on s’y vautre, qu’on s’y enfonce. Nous pourrions goutter l’imposture littéraire si elle n’était au service d’une idéologie tout aussi rance que le choix de tes mocassins.

Car usurper la position des précaires et des chomeurs pour mieux nous refourguer ton petit Debord, ne te suffit pas. Monsieur l’anonyme philosophe. Animateur à défaut d’auteur, ton orgueil est cependant moins misérable que ta tartuferie. La misère t’est-elle devenue si désirable que tu crois qu’en parer ta prose lui donne de la consistance ?

Pour la plus grande gloire du Communisme, ici et maintenant (communisons tous en coeur, mes frères !), la Révolution vaut bien un pieux mensonge. Et quand on a plus lu que vu, ou vécu, les haillons et les ulcères imginaires donnent toujours l’illusion d’une contenance. Certains s’y laisseront prendre : tu t’adresses à tes pairs.

Le capitalisme n’est pas la réalité, mais lui appartient. Certains en vivent même, paraît-il. Engels ne s’en cachait pas, ayant choisi de consacrer la sueur de ses ouvriers à l’oeuvre grandiose d’un cerveau qui promettait à tous des lendemains meilleurs. Le temps de potasser la science à sa portée, de laisser faire l’époque, la matière. Un peu de bonne volonté... On sait où tout cela a mené.

Aujourd’hui, le communisme a vieilli. Embourgeoisés les doctrinaires. Renoncer ? Il n’en est pas question. Faire son époque, lancer ses théories à l’assaut. Toujours. Merci Internet, on propage sa rhétorique sans risquer sa tête. Le confort de son chez-soi vaut mieux que la tribune.

Aujourd’hui le monde est devenue bien complexe et ce triste constat nourrit encore notre haine d’impuissant contre tous ceux qui font profession de post-modernisme. Une consolation : au moins nous sommes face à face. Marx raisonnait pour cinq pour cent de l’humanité, nous vivons dans une société globale, sans frontière. Seules sur les îles Adaman quelques tribus isolés par l’administration tirent encore des flèches sur les avions qui viennent s’assurer qu’ils vivent encore librement dans la forêt vierge de tout contact.

L’issue est proche. Trop de misère. La pollution. Presque une divine surprise. La bêtise des autres est notre meilleure alliée ? Défendons-nous de la politique du pire. Il va encore falloir subir la masse mais notre civilsation court à sa perte et qui s’en plaindra ? Nous ne sommes pas nihilistes pourtant. Le tout est de savoir se préserver des éclaboussures.

D’où les crêtes. C’est quand même mieux que les bas-fonds. S’enterrer ou planer ? Ne pas trop s’en mêler de toute façon. Démissioner ? Annoner. Réfléchir pour les moins cons. Comme le disait Confucius, le sage reclus fait tourner le monde dans sa main. Prions. Comprendre ? Qui lirait aujourd’hui de la politique économique ? L’écologie par dessus le marché. Tout est au-dessus de nos forces.

La clandestinité est imposée à beaucoup. Une condition qui s’est banalisée. Comme le salariat et pas mal d’autres misères. Continue à t’en faire gloire dans tes pantoufles et prie : nous sommes avec toi.

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