Drôle d'atoll
Depuis elle a étendu ces « missions » aux africains sub-sahariens, puis à d'autre publics, mais ses méthodes n'ont pas changées car elle a évoluée en vase clos. Cette permanence est typique des institutions post-coloniales françaises nées des semi-indépendances concédées par De Gaulle. En accédant à une souveraineté internationale ces pays sont sortis de la sphère du débat public en France et les relations avec eux sont devenues du ressort direct et exclusif de l'exécutif au plus haut niveau : cellule élyséenne, ministère de la coopération, armée etc. sans plus aucun contrôle « démocratique ». Les premiers chefs d'état africains avaient été députés voire ministres de la IVe. Il se sont retrouvés privés de tribunes et n'avaient plus accès qu'aux interlocuteurs plus ou moins secrets des cabinets et officines. Les autres Africains n'en parlons pas, que ce soit là-bas ou ici.
Ce tour de passe-passe a permis au gouvernement d'occulter totalement le devenir de ces relations à l'opinion publique, à la masse, bien consentante et soulagée de ne plus avoir à entendre parler de ces problèmes, après la guerre d'Algérie. Les dispositifs de contrôles des anciens colonisés en ex-métropole ont connus la même évolution. Puisque le flux migratoire en direction de la France ne s'était pas tari après le changement de régime politique, son contrôle prenait une place centrale dans ces relations entre l'ancienne administration métropolitaine et les nouvelles nations en gestation contrôlée. Ce fut d'ailleurs en grande partie l'encadrement colonial qui fut mis à contribution pour prolonger ici certaines formes d'exploitation (pour le logement à la Sonacotra mais le D.G. de la Comatec qui emploie tant d'Africains à nettoyer le métro a été aussi un ancien du Mali).
C'est le principal ministre de la reconstruction de la IVe, grand planificateur qui a fondé la Sonacotra et l'a dirigé ensuite jusqu'en 1977 lors des grandes grèves où il a dû céder la place dans des conditions non élucidées. Personne en France ne sait trop ce qui s'y passe, même parmi les plus avertis.
Aujourd'hui avec le changement de la politique d'immigration et la dégradation des conditions sociales des nationaux, des Français ou des étudiants étrangers se trouvent habiter dans ces foyers que l'état voudrait voir reconvertis en « résidence sociale ». Vu la difficulté d'obtenir un logement à Paris du fait des exigences de garantie des agences ou des propriétaires plus que pour des raisons financières, beaucoup de gens sont condamnés à opter pour ce choix sans se douter de ce qui les attend.
Celui d'Annam où nous avons ouvert la bibliothèque est assez bien entretenu en apparence et donc l'aspirant résident ne se méfie pas trop, idem pour nous. Une fois dedans, tu te retrouves dans une drôle de situation. Au mieux l'administration t'ignore mais ils sont de toute façon toujours très abrupts dans leurs rapports et la moindre contestation voire demande s'oppose vite à des refus voire à des mesures de rétorsion si on insiste, parfois assez gratuites. Si cela s'envenime, souvent suite à un manquement de leur part, ils s'acharnent. Comme il y a beaucoup de gens en proie à de graves difficultés ce n'est pas difficle pour eux de régner, ou de pousser les récalcitrants à la faute. Ensuite ils les virent, sans ménagement, quand rien ne va plus. Mais ils sont financés pour la réinsertion sociale...
Pour l'association c'est le retour sur leur engagement de nous fournir une salle pour les cours alors que les dossiers étaient bouclés, le prof engagé et les cours prêts à débuter qui a déclenché le premier conflit. Ensuite un nouveau directeur d'un autoritarisme délirant a débarqué. Il a avoué ensuite devant sa chef nous avoir gueuler dessus sans raison juste pour nous impressionner et marquer son arrivée ! Depuis il a démissionné. Paix aux résidants !
Une question d'ambiance. Le personnel déjà, encore beacoup de petits chefs un brin nostalgiques, parmi les techniciens de vieux immigrés d'Algérie genre harki qui partent le matin à l'assaut des fuites et des réparations en s'interpellant comme s'ils chassaient les fellaga dans le djébel, des cris etc. L'ambiance coloniale avec la dureté bonapartiste parisienne et sans le soleil. Un exemple entre cent : quelqu'un oublie sa veste à la cafétéria, le responsable engueule l'employée pour laisser traîner des affaires partout et ordonne qu'on jette la veste ! Avant c'était connu comme un repaire d'ancien de l'OAS et du FN (cf. « Fragments d'histoire d'une vie en foyer » par Soeuf Elbadawi, Africulture, juin 2005).
Typique donc en effet de l'omniprésence de l'Etat, de l'opacité du fonctionnement administratif, du poids dans ce secret des contingences historiques. Aujourd'hui la Société nationale de construction pour les travailleurs a un statut d'économie mixte. Ils sont restés encore un temps sous la tutelle du ministère de l'intérieur avant de passer cette année sous celle des affaires sociales (Borloo, ministre de la « cohésion sociale ») mais c'est Sarko qui a annoncé qu'ils allaient être chargés de reloger les expulsés comme ils se voient chaque année confier de nouvelles missions d'hébergement « très social » pour SDF, gitans etc.
Mururoa après la ligne Maginot ? L'image de l'enfermement est juste de toute façon. Le soucis de préserver son rang donne une grande vérité à la métaphore de Guattari. La question : comment rester une grande puissance sans les colonies, tout en les utilisant et sans que Colombey-les-deux-églises ne devienne « Colombey-les-deux-mosquées », selon l'expression de De Gaulle quand il prend conscience que déjà l'évolution démographique ne permettra pas une assimilation de l'Algérie dans la France et qu'il faut laisser tomber ?
La Sonacotra c'est ça, appliqué au logement. Merci l'état. Merci De Gaulle. etc.
...
Tu comprends très bien en fait. La Sonacotra est typique de ce phénomène Mururoa. Fondée à la fin des années cinquante pour héberger des travailleurs immigrants algériens recrutés à tour de bras pour les chantiers de la France en reconstruction, c'est elle qui a créé les foyers de travailleurs migrants, ce mode d'habitation semi-collectif soumis à un régime administratif très dur et tatillon. Créée dans un contexte de guerre, sous prétexte de résoudre le logement des immigrés (c'était la moindre des choses puisqu'on les faisait venir travailler dans les usines, les mines, à Paris où ils faisaient les plus sales boulots et qu'il fallait bien penser à les mettre quelque part! En plus c'est avec de l'argent détourné de leurs allocations familiales qu'est financée l'opération) elle devait aussi les surveiller. Les premiers directeurs était recrutés parmi les cadres coloniaux, militaires en particuliers.« Guattari disait quelque chose sur la France, que la France serait la dernière à comprendre le nouveau jeu des puissances mondiales, isolée qu'elle est sur son atoll de Mururoa. »
Un correspondant de Belgique
Depuis elle a étendu ces « missions » aux africains sub-sahariens, puis à d'autre publics, mais ses méthodes n'ont pas changées car elle a évoluée en vase clos. Cette permanence est typique des institutions post-coloniales françaises nées des semi-indépendances concédées par De Gaulle. En accédant à une souveraineté internationale ces pays sont sortis de la sphère du débat public en France et les relations avec eux sont devenues du ressort direct et exclusif de l'exécutif au plus haut niveau : cellule élyséenne, ministère de la coopération, armée etc. sans plus aucun contrôle « démocratique ». Les premiers chefs d'état africains avaient été députés voire ministres de la IVe. Il se sont retrouvés privés de tribunes et n'avaient plus accès qu'aux interlocuteurs plus ou moins secrets des cabinets et officines. Les autres Africains n'en parlons pas, que ce soit là-bas ou ici.
Ce tour de passe-passe a permis au gouvernement d'occulter totalement le devenir de ces relations à l'opinion publique, à la masse, bien consentante et soulagée de ne plus avoir à entendre parler de ces problèmes, après la guerre d'Algérie. Les dispositifs de contrôles des anciens colonisés en ex-métropole ont connus la même évolution. Puisque le flux migratoire en direction de la France ne s'était pas tari après le changement de régime politique, son contrôle prenait une place centrale dans ces relations entre l'ancienne administration métropolitaine et les nouvelles nations en gestation contrôlée. Ce fut d'ailleurs en grande partie l'encadrement colonial qui fut mis à contribution pour prolonger ici certaines formes d'exploitation (pour le logement à la Sonacotra mais le D.G. de la Comatec qui emploie tant d'Africains à nettoyer le métro a été aussi un ancien du Mali).
C'est le principal ministre de la reconstruction de la IVe, grand planificateur qui a fondé la Sonacotra et l'a dirigé ensuite jusqu'en 1977 lors des grandes grèves où il a dû céder la place dans des conditions non élucidées. Personne en France ne sait trop ce qui s'y passe, même parmi les plus avertis.
Aujourd'hui avec le changement de la politique d'immigration et la dégradation des conditions sociales des nationaux, des Français ou des étudiants étrangers se trouvent habiter dans ces foyers que l'état voudrait voir reconvertis en « résidence sociale ». Vu la difficulté d'obtenir un logement à Paris du fait des exigences de garantie des agences ou des propriétaires plus que pour des raisons financières, beaucoup de gens sont condamnés à opter pour ce choix sans se douter de ce qui les attend.
Celui d'Annam où nous avons ouvert la bibliothèque est assez bien entretenu en apparence et donc l'aspirant résident ne se méfie pas trop, idem pour nous. Une fois dedans, tu te retrouves dans une drôle de situation. Au mieux l'administration t'ignore mais ils sont de toute façon toujours très abrupts dans leurs rapports et la moindre contestation voire demande s'oppose vite à des refus voire à des mesures de rétorsion si on insiste, parfois assez gratuites. Si cela s'envenime, souvent suite à un manquement de leur part, ils s'acharnent. Comme il y a beaucoup de gens en proie à de graves difficultés ce n'est pas difficle pour eux de régner, ou de pousser les récalcitrants à la faute. Ensuite ils les virent, sans ménagement, quand rien ne va plus. Mais ils sont financés pour la réinsertion sociale...
Pour l'association c'est le retour sur leur engagement de nous fournir une salle pour les cours alors que les dossiers étaient bouclés, le prof engagé et les cours prêts à débuter qui a déclenché le premier conflit. Ensuite un nouveau directeur d'un autoritarisme délirant a débarqué. Il a avoué ensuite devant sa chef nous avoir gueuler dessus sans raison juste pour nous impressionner et marquer son arrivée ! Depuis il a démissionné. Paix aux résidants !
Une question d'ambiance. Le personnel déjà, encore beacoup de petits chefs un brin nostalgiques, parmi les techniciens de vieux immigrés d'Algérie genre harki qui partent le matin à l'assaut des fuites et des réparations en s'interpellant comme s'ils chassaient les fellaga dans le djébel, des cris etc. L'ambiance coloniale avec la dureté bonapartiste parisienne et sans le soleil. Un exemple entre cent : quelqu'un oublie sa veste à la cafétéria, le responsable engueule l'employée pour laisser traîner des affaires partout et ordonne qu'on jette la veste ! Avant c'était connu comme un repaire d'ancien de l'OAS et du FN (cf. « Fragments d'histoire d'une vie en foyer » par Soeuf Elbadawi, Africulture, juin 2005).
Typique donc en effet de l'omniprésence de l'Etat, de l'opacité du fonctionnement administratif, du poids dans ce secret des contingences historiques. Aujourd'hui la Société nationale de construction pour les travailleurs a un statut d'économie mixte. Ils sont restés encore un temps sous la tutelle du ministère de l'intérieur avant de passer cette année sous celle des affaires sociales (Borloo, ministre de la « cohésion sociale ») mais c'est Sarko qui a annoncé qu'ils allaient être chargés de reloger les expulsés comme ils se voient chaque année confier de nouvelles missions d'hébergement « très social » pour SDF, gitans etc.
Mururoa après la ligne Maginot ? L'image de l'enfermement est juste de toute façon. Le soucis de préserver son rang donne une grande vérité à la métaphore de Guattari. La question : comment rester une grande puissance sans les colonies, tout en les utilisant et sans que Colombey-les-deux-églises ne devienne « Colombey-les-deux-mosquées », selon l'expression de De Gaulle quand il prend conscience que déjà l'évolution démographique ne permettra pas une assimilation de l'Algérie dans la France et qu'il faut laisser tomber ?
La Sonacotra c'est ça, appliqué au logement. Merci l'état. Merci De Gaulle. etc.
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